Pour des raisons probablement culturelles, le rock progressif américain, c'est pas ça. Ou plutôt, ce n'était pas ça, jusqu'à ces dernières années. Depuis est apparu le métal progressif, croisement pas si contre-nature que ça entre le rock prog et le heavy-metal de nos folles jeunesses. Et croyez moi, ça boîte sévère!..
Attention monstre! Dream Theater, quintet américain originaire de la Côte Est, est du genre à flanquer une baffe monumentale à tout auditeur dans les cinq minutes qui suivent le dépot du CD sur la platine et l'appui de la touche "play".
C'est du vrai métal, avec des vrais bouts de prog dedans! Des morceaux qui meulent sévère, mais qui conservent une finesse incroyable. Les instrumentaux devraient être interdits aux musiciens amateurs, pour cause de technicité mortelle.
On achètera les yeux fermés mais les oreilles grandes ouvertes Images and Words; les autres albums, quoiqu'aussi balèzes dans leur genre, demandent un certain tri, au contraire de celui-là: rien que du bon!
Dans les plus récents, Metropolis II: Scenes from a Memory fait très fort. C'est un gros concept-album de pas loin de 78 minutes, qui se la fait un peu "ah que je me la donne". Mais c'est rien par rapport au Live Scenes From New York, qui ressuscite un modèle qu'on croyait disparu depuis Yes: le triple album. Et le nouveau, Six Degrees of Inner Turbulence, est encore un concept, mais seulement sur un double CD.
Dream Theater deviendrait raisonnable?..
J'adore ce groupe! Cela fait pas loin de quinze ans qu'ils traînent leurs mélopées torturées de heavy-métalleux existentialistes, passant du statut de "clone de Iron Maiden / Queensrÿche" à celui de "mais comment ça se fait qu'ils n'ont pas encore percé?.."
Soyons clair: ça fait bientôt dix ans que Fates Warning fait du prog-metal, avant même qu'on sache que ça pouvait exister...
À recommander tout particulièrement, les albums No Exit (pour le monument de 26 minutes "The Ivory Gates of Dream") et Perfect Symmetry, sans aucun doute le plus progressif de tous avec un batteur (Mark Zonder) particulièrement déjanté.
A Pleasant Shade of Gray est très dans la lignée Fates Warning: un ton limite déprimant, avec en plus de gros délires musicaux; on sent les influences floydiennes à vingt mètres, mais comme le Flamant Rose est depuis quelques années infoutu de nous produire un album valable (voire même un album tout court), on aurait tort de s'en plaindre.
Le live, intitulé Still Life, qui comprend, et d'une l'intégralité de A Pleasant Shade..., de deux "The Ivory Gates..." en entier, et de trois plein de morceaux tout aussi géniaux. Tout ce qu'il faut pour définitivement regretter de ne les avoir jamais vu en concert...
Le dernier album a pour nom Disconnected. À son écoute on se demande si les joyeux plaisantains, réduits à trois pour l'occasion, ont mangé un croque-mort ou s'ils font un concours de suicide avec Anathema... C'est nettement plus lourd et plus sombre que les précédents. Glauque, mais c'est tellement bon!
Yobla! Encore une grosse mécanique ricaine, avec un son taillé comme un semi-remorque et suffisamment de progressif pour filer la migraine à Emerson, Lake & Palmer. Ben non, Pain of Salvation est un groupe suédois... Alors pourquoi le ranger dans ce chapitre? Principalement parce que, musicalement, il en est très proche.
En gros, croisez Dream Theater avec Faith No More, Pink Floyd et un train de marchandise. Vous obtiendrez des albums, tels que One Night by the Concrete Lake (si c'est pas prog, un titre pareil...), The Perfect Element et le nouveau Remedy Lane. À consommer sans modération.
Attention monstre II: le retour! Trio infernal, Magellan a pondu en deux albums (The Hour of Restoration et Impending Ascension) des magnifiques spécimens de rock progressif mâtiné métal, avec des morceaux kilométriques et des instrumentaux à se la prendre et se la mordre avec de la moutarde. Pas de batterie: une boîte à rythme, mais c'est pas grave. Il y a juste le fait qu'on peut s'amuser à repérer les références musicales au fil des morceaux...
J'hésite un peu à parler du nouveau, Test of Wills, principalement parce que je ne l'ai pas trop aimé. Trop complexe, peut-être... Il a cependant ses bons moments.
Scène américaine encore et toujours. Fertile. Enchant est un groupe qui fait moins dans le métaleux que ses compatriotes (je hais ce mot: c'est un pléonasme!). Il oscille dans le traitement des morceaux entre la fougue d'un Dream Theater, la relative noirceur d'un Fates Warning, tout en étant plus près des groupes anglo-européens de néo-progressif dans son style musical.
Co-produit par le guitareux de Marillion Steve Rothery, tout au moins pour le premier A Blueprint of the World. Deux autres albums à noter: Wounded et Time Lost..., le second étant une compil' de restes venant des sessions de Wounded et de très vieux morceaux revisités.
Une des particularités amusantes de la scène US, un peu comme la nébuleuse iQ / Pendragon, c'est de se mélanger les membres pour faire, non une partouze (quoique, mais ça les regarde...), mais des albums en commun.
Les spécialistes de ce genre de blague, c'est la bande à Magellan, qui se prête volontiers à des projets annexes. On notera par exemple un excellent album tel que Explorer's Club: Age of Impact. Le dernier en date: Leonardo: The Ultimate Man est aussi très chouette. On sent l'influence des thèmes historiques...
On peut aussi jeter un oeil sur les différents délires des membres de Dream Theater, Fates Warning et autres, qui ont pondu de très intéressantes galettes, sous des noms aussi divers que Liquid Tension Experiment (deux albums), Mullmuzzler, ou Chroma Key, qui est le projet de Kevin Moore, ancien clavier de Dream Theater, et sur lequel on retrouve des bouts de Fates Warning venus en voisins taper le jam.
Plus récemment, un projet intéressant est Transatlantic, qui regroupe le batteur de Dream Theater, le bassiste de Marillion, plus le chanteur (plus claviers) de Spock's Beard et le gratteux de Flowers Kings. On sent la méchante influence Spock's Beard, mais ça se laisse écouter.
Commentaires: Stéphane "Alias" Gallay -- Ou alors venez troller sur le forum...